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Commer : réflexions en marge d'un "Concours Lépine" de la rose

(paru pour partie dans le numéro 20 du mois de mars du bulletin de l'association Rosa Gallica ).

Par ce clin d'oeil très complice je désire saluer l'initiative de Rosa Gallica de mettre sur pied son concours de roses d'amateurs. Le jardinage se faisant de plus en plus créatif dans une société de loisirs où l'homme cherche à développer une relation plus intime mais aussi plus active avec la nature, il n'y a guère de doutes que ce genre de manifestation se multipliera dans les temps à venir. Il y a des années déjà, dans mes conversations avec Louis Lens, j'évoquais de temps à autre l'idée d'un concours pour amateurs destiné à accueillir ces variétés "inclassifiables" mais parfois fabuleusement belles nées de semis spontanés ou de l'imagination des amateurs, féconde et libre de toute convention. Son regard s'allumait, un sourire s'esquissant discrètement au coin de ses lèvres. Il savait plus que beaucoup d'autres à quel point il est difficile d'introduire des idées nouvelles dans son métier. Mais il ne doutait pas un seul instant que ce genre de concours verrait le jour. Il jugeait avec toute l'acuité de son expérience professionnelle les obtentions des amateurs, ...et il aimait beaucoup !
Dans les lignes qui suivent, je tâcherai donc d'envisager du point de vue humain l'activité de "création" de roses nouvelles, que celle-ci soit exercée avec le statut de professionnel ou celui d'amateur et de lever les oppositions naïves entre deux entités aux contours parfois bien flous.

Quelques éléments différencient le concours de Commer d'un Salon des inventeurs tel que le Concours Lépine :

  • le contexte est évidemment limité à un domaine particulier, celui de la rose, tandis que le Concours Lépine permet de soumettre des inventions dans un certain nombre de catégories elles-mêmes assez vastes ;
  • les critères de participation et de sélection ne sont pas uniquement utilitaires ou techniques mais il y est aussi question de goût (ce qui rapproche ce genre de concours d'un concours artistique) ;
  • l'amateur n'a pas obligatoirement pour but une diffusion commerciale de ses créations ;
  • il ne doit pas déposer de brevet ni de demande de certificat d'obtenteur pour pouvoir participer (même si éventuellement un prélèvement d'ADN est organisé).

Mais cela dit, par d'autres côtés il se rapproche de cette glorieuse et sympathique compétition : l'aspect de démonstration publique, les échanges, la passion aussi ..., et bien sûr cet "amateurisme" en d'autres temps regardé avec commisération et qui pour l'occasion au moins est à l'honneur, et à la fête !

Obtenteurs professionnels ou amateurs,
des rôles spécifiques ?

Rôles et statuts

"La distinction faite entre activité et métier est une plaie de la société moderne. Dans le passé, cette distinction n'existait pas. Ni en Orient, ni en Occident. Les lettrés de jadis pratiquaient d'autres arts. Durant la Renaissance et à l'époque des Lumières, les artistes ne se distinguaient pas dans une discipline seulement. Au sein de chaque individu, il y a un potentiel si riche que vouloir faire le tri est une tare contemporaine." (Extrait d'une interview de Gao Xingjian, prix Nobel de littérature 2000 dans La Libre Belgique, mardi 14 janvier 2003).

Étant issu du milieu artistique, j'ai voulu placer ici ces lignes qui donnent à réfléchir. Elles ne sont à mon sens provocatrices ni pour un métier, ni pour un statut, mais plutôt pour une attitude : celle de vouloir tout enfermer dans des catégories étriquées et immuables fondées sur des préjugés voire des présupposés incorrects. On rejoint cependant à l'évidence ici le terrain du "politico-socio-économiquement correct". En fait, un rôle peut-il se définir à priori lorsqu'on sait qu'historiquement il apparaît, se développe et disparaît en fonction de circonstances le plus souvent contingentes. Peut être peut-on l'évaluer, le conceptualiser à postériori, ...avec plus ou moins de pertinence et en restant prudents ! Cependant rôle socio-économique réel et statut légal ou juridique ne doivent pas être confondus, de la même manière que pour une personne, s'identifier trop intimement à son statut juridique ou à sa fonction peut relever du pathologique.
Lorsqu'on parle de création végétale ornementale, on oppose souvent le concept d'une activité de plus en plus proche du design industriel qu'on prêterait plus volontiers au milieu professionnel (avec ses cahiers de charges, ses contraintes économiques, etc.), à celui d'un "passe temps" à vocation plus "artistique" (vision évidemment très tronquée de l'art) qui serait celui de l'amateur, ou du professionnel sans grands moyens.
Mais ne nous leurrons pas sur ce qui peut caractériser le professionalisme. De nos jours le domaine commercial est l'un de ceux qui galvaudent le plus l'idée du professionalisme, en usant et abusant du terme "Pro" (1). En voici un exemple tiré d'un autre domaine créatif, très porteur celui-là. Récemment, indépendamment l'une de l'autre, plusieurs firmes informatiques liées au design graphique ont rapproché dans leurs publicités les mots "pro" et "création". Outre une évidente connotation sexuelle-reproductive (très dans l'air du temps de la publicité), ce rapprochement de mots - très réussi au demeurant sur le plan de la communication - joue sur l'ambigüité entre l'idée de "créer comme un professionnel" et celle que "la création est une affaire à réserver aux professionnels". Ces campagnes publicitaires visent apparemment une clientèle adolescente ou "post-adolescente" désireuse soit de s'offrir du matériel de "pro" sans l'être (par transgression), soit de se conforter dans son statut de "pro". Évidemment, ni le matériel ou les programmes, ni le statut n'influeront dans un sens ou dans l'autre sur la qualité ou l'originalité du résultat. Le "hic", c'est que l'atmosphère de pouvoir pulsionnelle, élitiste et immature véhiculée par de telles publicités n'est peut-être pas propre à aider l'utilisateur à s'auto-évaluer. Elle réduit également le bénéfice pour le lien social de l'action créatrice en suscitant un antagonisme entre deux groupes (très virtuels dans le cas présent) refermés sur eux-mêmes : les "Pros" et ceux qui ne le sont pas.
Dans le domaine de la création végétale comme partout, le vrai professionnel ne se caractérise pas nécessairement par l'usage des toutes dernières techniques mais plutôt, s'il les utilise, par leur bonne intégration à son travail.



L'obtention comme activité créatrice

Imiter / inventer / montrer / donner ; l'origine de ces comportements se situe bien en deçà du stade de notre hominisation. Les recherches actuelles dans le domaine du comportement animal montrent suffisamment que nous les partageons avec d'autres branches évolutives. Toute action créatrice interroge la spécificité et le potentiel de l'impliqué par rapport à lui-même et à son environnement naturel, humain, socio-économique. Le droit de poser ce genre d'interrogation en créant de la nouveauté doit être considéré comme un droit inaliénable de chaque être humain. Le droit tout à fait complémentaire de faire connaitre ou de diffuser cette nouveauté aussi. Une société dans laquelle pour créer de la nouveauté il faudrait être "socio-économiquement" désigné pour deviendrait particulièrement stérile. Vouloir "réguler" les conditions d'exercice du droit à la création ou à la diffusion de nouveauté en le limitant au domaine commercial équivaudrait à réduire considérablement sa portée symbolique et l'utilité sociale (voire à long terme socio-économique) de l'exercer (2).

Formations et expériences respectives

Le professionnel type a eu l'opportunité de bénéficier d'une filière d'apprentissage éprouvée et de tous les savoirs expérimentaux que cette filière a accumulés. À son tour il l'enrichira de l'expérience de toute sa vie, des raccourcis qu'il aura été contraint de trouver pour des raisons pratiques et économiques, etc. On pourrait dire que dans l'idéal sa carrière devrait se construire comme une maison, selon un plan relativement préétabli, brique par brique.
L'amateur type, lui, progresse souvent de manière plus transversale, extrapolant d'un domaine à un autre, se "cassant la pipe" peut-être plus facilement. Son expérience est plus fragmentée (mais pas nécessairement fragmentaire), ses objectifs moins précis ou plus dispersés, sa progression moins pragmatique. Plutôt que d'habiter une "maison-carrière", il vient se changer les idées dans une cabane faite de branches entrelacées parfois fortuitement.
Mais "pros" et amateurs correspondent-ils vraiment à ces images stéréotypées ? La réalité est bien plus nuancée. En matière de créativité, professionnels et amateurs se rapprochent bien plus qu'ils ne divergent. Inutile de moraliser et de placer l'un ou l'autre sur un piédestal en fonction d'une hiérarchie de valeurs socio-économique approximative ou teintée d'idéologies.

Perméabilité entre les deux catégories

Les échanges entre professionnels (identifiés comme tels par leur statut) et amateurs sont nombreux et souvent très cordiaux, dynamiques et réactifs. Ce sont soit des échanges d'idées, soit de véritables échanges de services sous des formes parfois contractuelle, parfois informelle. Des amateurs diffusent leurs créations via des professionnels, ils leur apportent parfois des compétences botaniques ou autres inappréciables. Bien des professionnels ne rechignent pas à prodiguer leurs conseils aux amateurs. En fait, comme dans chaque métier tout est question d'attitudes et d'affinités personnelles. Mon ami Louis Lens se définissait d'ailleurs lui-même comme un amateur avant tout, et il est vrai qu'il en avait gardé la candeur et le goût du risque.

L'amélioration et ses moyens

Ils évoluent des deux côtés, peut être à des rythmes différents à certains moments. Sur le plan technique, l'écart a grandi bien sûr entre le fait de ramasser dans la nature ou dans un jardin un semis spontané repéré pour son comportement particulier et celui de manipuler des gènes en laboratoire pour apporter un caractère déterminé. Mais les attitudes qui sous-tendent ces deux démarches cohabitent depuis la nuit des temps et on ne peut même pas dire qu'il y aie discontinuité entre les deux.
Actuellement, parallèlement au développement de variétés via des procédés sophistiqués on sent une demande croissante pour des rosiers à l'aspect naturel, voir issus directement de la nature.
La sélection de base à partir de simples semis a encore de beaux jours devant elle. Elle ne demande pas nécessairement l'utilisation d'outils statistiques coûteux au départ.
La simple hybridation entre espèces botaniques ou entre espèces et cultivars n'en est qu'au début de ce qu'elle peut donner et les résultats de première génération peuvent être spectaculaires et correspondre tels quels à la demande du public dans une très grande proportion des cas, c'est un fait !
Même la rose de parterres, qui implique une démarche plus complexe n'échappe pas aux investigations des amateurs et il n'est pas rare que ceux-ci obtiennent des prix dans les concours pour ce genre de rosiers.
Quant aux moyens techniques sophistiqués en obtention tels que l'ingéniérie génétique, si leur coût est bien souvent discriminatoire, il pourrait être compensé par des collaborations telles qu'envisagées plus haut entre amateurs, professionnels, institutions (universités, etc.). Sans cela, la rentabilisation des variétés génétiquement modifiées risquerait d'être obtenue via l'introduction dans leur patrimoine génétique de gènes à utilité essentiellement commerciale et au prix d'un marketing écrasant préjudiciable à la diffusion des variétés obtenues par d'autres techniques. Il est par ailleurs indispensable pour un fonctionnement sain des marchés (et pour la démocratie tout court) que les échanges de savoirs se multiplient car le but de la technologie en production végétale ne doit pas être de permettre le verrouillage de la connaissance et des marchés et leur confiscation par de petits groupes, qu'ils soient publics ou privés. Cela équivaudrait à retomber (en pire éventuellement) dans les travers des antiques corporations alors que nos états de droit se sont ingéniés à introduire nombre de dipositions à leur encontre dans leurs constitutions. Une autre remarque cependant au sujet de ces techniques : outre la dangerosité socio-économique et culturelle (voire à la limite politique) que je viens de citer, leur dangerosité biologique n'est pas nulle !



Proximité entre amateurs et petits obtenteurs professionnels

La production et l'obtention des roses de jardin ne se limite pas aux quelques grandes maison qui font office de "locomotives" du secteur. Pas mal de petites et moyennes entreprises font de l'excellent travail dans ce domaine. On imaginerait facilement que les coûts de la technologie et du temps investi dans l'obtention et l'enregistrement éventuel des variétés nouvelles favorisent de manière disproportionnée les gros producteurs. Pourtant de petits producteurs n'hésitent pas à se lancer dans l'aventure. La motivation qui les anime alors est en fait souvent proche de celle des amateurs : apporter quelque chose qui sorte de sentiers battus. Tous ne rêvent pas nécessairement d'une "success story" à la David Austin. Ce qui compte pour eux c'est souvent de consacrer un peu de leur temps à autre chose qu'à produire les obtentions des autres. Multiplier et diffuser quelque chose qu'on a créé, c'est magique ! Il est aussi sain d'être fasciné par ça que par la croissance de son entreprise et les deux peuvent se compléter à terme. Mon expérience personnelle est celle d'un obtenteur amateur qui fait connaître ses obtentions au départ via un petit producteur lui-même obtenteur débutant (3). Les échanges et la collaboration sont très cordiaux et enrichissants et le respect mutuel est total en grande partie grâce au fait que nos recherches ne s'inscrivent pas dans une vision économique trop étriquée. Nous avons beaucoup d'échanges sur les plans humain, esthétique, philosophique, ce qui à mon sens ajoute en profondeur à tout travail créatif.

Éloge de la diversité

Obtentions d'amateurs et critères de qualité

On peut juger selon certains critères plus ou moins adéquats ou judicieux de la qualité d'un produit à finalité précise. Dans ce cas tout est question de normes de qualité édictées en fonction de cette finalité. Juger de la "qualité" d'une création ou d'une oeuvre d'amateur est plus délicat, et la passer au crible des normes d'un marketing de masse serait inadéquat. Les amateurs créent avec leurs propres critères, en fonction de leur culture individuelle et sans nécessairement se préoccuper du marché. Leur perception du monde de la rose peut être très personnalisée et par conséquent s'il est une qualité qu'on peut souvent reconnaître aux créations d'amateurs, c'est leur originalité.
Il n'est pas impossible non plus que les conditions de cultures dans lesquelles travaillent les amateurs favorisent un accroissement de la qualité. Il arrive bien souvent en effet que plutôt que de dépenser argent et énergie à se créer des conditions de développement optimales, l'obtenteur amateur se dit plutôt "ça passe où ça casse", ...et obtient des variétés étonnament souples quant à leur adaptation aux différents milieux !

Amateurs, professionnels et biodiversité

L'obtenteur amateur ou professionnel avisé se sent concerné par la diversité. Mais encore faut-il savoir où la trouver. Amateurs et professionnels se sont toujours fait la "courte échelle". L'amateur court des risques que le professionnel ne peut se permettre et obtient des variétés qui, outre des qualités intrinsèques qui les rendent parfois tout à fait dignes d'être commercialisées peuvent se révéler, de par leur génétique originale, d'excellents sujets pour l'obtention professionnelle. Le vrai professionnel consciencieux (c'est à dire aussi conscient des vrais besoins humains avec leur part d'inattendu) est toujours intéressé, voire émerveillé de voir ce que l'amateur obtient en hybridant ses variétés. Il n'hésite pas à réutiliser par la suite le nouveau patrimoine ainsi obtenu qui apporte de l'oxygène à ses créations. Mais le professionnel consciencieux est aussi celui qui respecte et reconnaît l'amateur pour ce qu'il apporte.
Il ne faut pas non plus oublier que dans des domaines comme l'arboriculture fruitière (la poire est exemplaire à ce sujet), des variétés d'amateurs (de commercialisation libre, de surcroît (4)) sont à l'origine de toutes choses, quand elles ne s'octroient pas encore une belle part du marché.

Une "trop" grande diversité horticole occasionne-t-elle un risque de baisse de la qualité globale des produits de l'horticulture ?

On entend parfois des réflexions de ce type, mais sans preuves statistiques incontestables elles n'ont guère plus de valeur et sentent aussi mauvais que la rumeur. Nous avons vu plus haut les nuances desquelles il fallait entourer le mot "qualité". En fait, dans l'absolu lorsqu'on dispose uniquement de deux produits, un bon et un mauvais, on a une chance sur deux de faire un mauvais choix. Lorsque par contre on dispose d'un grand nombre de produits de niveaux de qualité très variés, les choses sont moins dramatiques. Par ailleurs, n'importe quel biologiste reconnait que sur le plan de la phytopathologie, disposer d'une large base génétique aussi bien dans les jardins que dans les géniteurs potentiels réduit, au contraire de la monoculture, les risques d'épidémies désastreuses.



Diversité bouillonnante : une cause d'instabilité pour les marchés ?

Un accroissement de la diversité ne peut pas en lui-même déprimer le marché global de la rose. Comme dans tous les domaines de la production, des phénomènes de mode peuvent cependant y affecter la répartition des parts de marché et il est toujours plus difficile pour un produit de se "placer" dans un fouillis débridé de nouveauté. C'est là que le marketing a un rôle à jouer au niveau des roses, même s'il ne s'y est pas toujours montré très imaginatif. Dans une véritable économie de marché, les parts de marchés ne sont cependant pas à confondre avec des parts de gâteau à répartir entre un nombre prédéterminé d'invités. À fortiori, le marché des jardins étant en croissance, la multiplication de réglementations "régulatrices" préjudiciables aux amateurs et petits obtenteurs professionnels serait suspecte.

Et le jardinier dans tout ça ?

Je veux parler ici de celui qui plante des rosiers dans son jardin. La diversité fait partie intégrante de l'environnement sain auquel il a droit ! Diversité en l'occurence non seulement biologique des variétés qui lui sont proposées, mais diversité aussi dans les idées, l'histoire et les motivations de ceux qui les ont imaginées. Il y aura bien sûr toujours des consommateurs qui se contenteront d'acheter des roses rouges ou des roses blanches (ou même des bleues) ; il y en aura toujours qui collectionneront des noms de roses, laisseront les étiquettes suspendues aux rosiers ...et puis ne regarderont ceux-ci que pour vérifier s'ils sont propres et pas malades (et s'ils assurent un spectacle "impeccable"). Il n'est pas si sûr qu'il soit viable à terme de ne faire que consommer des produits destinés à la consommation. Sans diversité dans les origines, les obtenteurs, les producteurs même, la part de rêve qui nous est vendue avec les rosiers risque bien de se stéréotyper et l'émotion à leur contact de disparaître. Et ni la couleur bleue, ni des parfums génétiquement modifiés (voire hormonalement programmés ...) ne nous les feront retrouver.

ivan louette, achevé de rédiger le 20 janvier 2003,
mis en ligne le 31 janvier 2003

Notes

1. L'une des plaies tant de la publicité que de toutes les propagandes politiques actuelles est d'utiliser de manière insidieuse et à tous moments le sentiment d'insécurité (même si elle est réelle dans bien des cas). Dans une période d'insécurité d'emploi comme la nôtre, utiliser le terme "Pro" est rassurant et se révèle donc un excellent moyen de berner les plus naïfs. Mais les implications et connotations du terme "Pro" ne s'arrêtent pas là, ..."Pro", c'est aussi "pour", donc forcément ceux qui ne sont pas "Pro", ils sont "contre", ...et puis il y a ce fameux terme : "pro-actif", qui mériterait à lui tout seul une séance de démontage prolongée !

2. De nos jours les protagonistes du champ commercial se livrent trop souvent uniquement à un jeu de prédations symboliques complémentaires : le consommateur broutant la production du marché (ou plus rarement guettant les bonnes affaires), le producteur chassant le moindre profit. C'est un peu pauvre en regard de la palette variée des comportements humains et ni l'un ni l'autre ne s'y enrichit vraiment.

3. La roseraie de service public pour laquelle je travaille ne donne l'exclusivité à aucun producteur ou distributeur. Si elle privilégie la convivialité avec ceux-ci, ses obtentions sont libres de royalties et tout un chacun peut les reproduire ou les distribuer.

4. Ce dernier point est évidemment en contradiction avec une idée du "tout aux royalties" qui prête à discussion. Voir les propositions que je fais à ce sujet dans l'article "Enregistrer la diversité", publié simultanément dans le Bulletin N° 50, janvier 2003 des Amis de la roseraie du Val de Marne et dans les pages web de la roseraie communale de Chaumont-Gistoux, Belgique : < www.botarosa.com >.

© ivan louette et Commune de Chaumont-Gistoux.
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